L.S. Nussbaum

“ Il est des jours où nul ne peut se relever. L’attente d’un événement qui causera le déséquilibre où tout s’écroulera dans les ténèbres. Comment se relever lorsqu’on est tombé au plus bas? Entre la drogue, l’alcool et le sexe, j’ai connu tous les vices. Je n’ai su m’en sortir et trouver un meilleur salut. Au lieu de cela, la folie s’est emparée de moi et m’a consumé chaque jour de plus en plus.

​

En y repensant, je suis peut-être vraiment devenu fou. J’ai passé toute ma vie à essayer de comprendre le sens que je donnais à mon existence, à trouver une clé pour ouvrir une porte béante. Ce que je recherchais? Je crois que j’avais besoin d’un signe, un espoir d’atteindre de plus belles sphères. Mais en réalité, ces terres inconnues ne font que brûler les ailes des explorateurs osant les réveiller. Face à elles, la mort nous sourit. Elle s’approche de nous et nous voulons lui tendre les bras. Devrais-je lui sourire à mon tour? 

​

Alors que j’agonise comme un animal meurtri dans sa chair, je me laisse aller vers ce qui doit être. Le monde s’écroule autour de moi et je reste debout tentant vainement d’éviter l’inévitable. Mes pieds sont faits d’argile et ne sont que le reflet de mon âme noyée sous la noirceur de soleils éclatants. Le ciel s’embrase sous mes pas et je ne peux plus avancer sur le chemin qui se dresse au-delà de mon esprit torturé. Marchant sur des œillets fanés, mon regard se tourne constamment sur ce désert du Mal. Devant moi se dresse un arbre majestueux, trônant tel un empereur déchu attendant sa fin. Pourtant ses racines sont profondes et rejoignent les cieux comme par enchantement. Son austère beauté ne me laisse pas le temps de m’apitoyer sur mon sort. Lui aussi me contemple, me considérant comme un hypothétique sauveur venu le délivrer des maux du monde. 

​

Je regarde par-dessus mon épaule et je constate que mes pas se sont effacés avec le temps. Tout ce qui me semblait acquis s’est envolé. Vent et poussière! Le néant dans un ciel azur où resplendissait jadis mille étoiles. Pourtant, je me sens renaître, comme les fleurs du printemps et quand reviennent les oiseaux de leurs lointains périples. Le monde n’est finalement qu’un savant mélange de ciel et de terre, où la désuétude n’est animée que par le son des vagues de l’océan, baigné dans la lumière argentée des lendemains.  

​

Et Je revois cette plage secrète. Les rivages du lac Tahoe se taisent en ma présence, ne se laissant que pour seule permission le soin de se retirer imperceptiblement. La surface rocailleuse des imposantes pierres de granit émerge de l’eau bleutée. Je me repose là, quelques instants, contemplant le vaste horizon qui s’ouvre à moi.

​

Et je les sens. Ils sont présents derrière moi, tous les dix… 

​

Ils m’entourent sans jamais se rapprocher, de peur de créer le déséquilibre qui nous détruirait. Ils n’attendent que mon choix. Vivre ou mourir? Un seul élément manque à cet étrange tableau, celui dont je ne peux découvrir et contrôler la nature. Celui qui donnera un sens à une quête commencée il y a fort longtemps et dont le monde ignore encore l’existence.

​

Et je me lève en même temps que la nuit. Ils ont disparu, tous les dix ont quitté terre, tandis que je vois mes empreintes dans la glaise de la berge. Un parfum enivrant m'emporte. Elle arrive telle une délivrance... Au-dessus de moi, les étoiles, pourtant invisibles, m’appellent et je sens mon cœur se battre pour survivre. 

​

Je suis si proche. Je ne ressens plus aucune limite. Il est temps, rien ne me retient. Je ne suis qu’à une marche de ma destinée. Libère toi! Le vide t’attend! Tombe comme une pierre dans les profondeurs qui s’évanouissent en grondant alors que les sons de la délivrance s’élèvent harmonieusement. Ceux qui tenteront de me retrouver devront ignorer ce que je suis par tous les moyens car au coeur des extrêmes, le bien et le mal ont commencé à se livrer un combat éternel.

 

Et au milieu de cette guerre, l’arbre de la vie se transforme en un gigantesque brasier alors que je me désintègre à mon tour. 

​

Et dans ma chute dans le noir ténébreux et abyssal, une seule chose me soulage, une voix si sublime qui me chuchote ces trois mots…”

​

​

Zach posa sa plume et attendit que l’encre verte Atlantide s’imprègne définitivement sur le papier. Après quelques secondes, il ferma son journal et le déposa précautionneusement sur la table de nuit à côté de son lit.

Il n’y écrirait plus désormais.